Chez Nounouss

 

Rubrique cynéphile · 2011-11-27

[La chienne]

La chienne qu’ils l’appellent.

C’est pourtant bien d’une femme qu’il s’agit, une femme entière et intègre qui se livre corps et âme pour donner à son possible les dimensions de l’impossible, pour obtenir le meilleur de chacun et le transmettre.

Malgré sa fidélité exemplaire, ce n’est pas ce qui lui vaut d‘être appelée ainsi.

Exemplaire, elle l’est, mais – un instant son regard se perd – elle n’est pas un exemple.

[La chienne]

La chienne qu’ils l’appellent.

Bien que cela évoque un comportement dévoyé, ce n’est pas un appétit sexuel dévorant qui lui vaut ce surnom.

D’ailleurs la séduction n’entre pas en jeu pour s’attirer ses faveurs, vous pouvez toujours essayer de la chercher ou de la fuir. Si tel est son désir, c’est elle qui vous trouve, n’espérez pas lui échapper.

Son corps est un Eldorado, une contrée de légendes qui hante les esprits. Si personne ne proclame en avoir découvert les richesses infinies, cela ne signifie pas que personne ne l’a fait.

Il serait obscène de vous décrire comment elle procède, vain même d’essayer. Cependant – ses yeux balaient le vide devant lui – quand la vérité ne peut être dite, ce n’est pas la trahir que de la parer d’atours afin de la dévoiler.

[La chienne]

La chienne qu’ils l’appellent.

Quand elle jette son dévolu sur vous, elle occulte le reste de l’univers, vous plongeant seul au cœur de ténèbres silencieux. S’ensuit une longue attente sans repos, à sonder l’obscurité en quête de l‘écho de ses pas.

Trompant votre vigilance elle surgit sous votre nez, disparait sans crier gare, se tient dans votre ombre…

Enfin de son regard elle fait voler les portes de la cellule qu‘était devenue votre vie, renverse l’espace et vous transporte jusqu‘à son antre.

[La chienne]

Un feu dans l‘âtre de sa chambre irradie une douce chaleur et rehausse d‘éclats rougeoyants le métal noir de son lit.
L’aiguillon de sa langue glisse sous la peau de votre cou, langoureusement, la saveur de sa voix se répand dans vos muscles. Son agilité comble les silences, ses ongles vous sortent de votre réserve.

Elle vous invite dans sa couche en vous y jetant de façon cavalière.

Pour vous retenir, aux doux mots elle préfère les liens.

Elle sait les vertus de la patience, elle en dilue les bienfaits qu’elle savoure avec force raffinements. Ses paroles suaves envoutent votre chaire, débusquent toute velléité de résister et l’annihilent.

D’un souffle elle balaie vos dernières barricades et s’engouffre dans la brèche.

[La chienne]

La chaire brulante sous les caresses, les flancs perlant de sueur électrique, les gémissements couvrant à peine les battements de cœur – un frisson parcourt son corps.

N’espérez pas la contenter en allant généreusement au devant de ses désirs, elle seule sait ce qui peut la satisfaire et elle ne relâche pas son emprise aussi longtemps, longtemps, qu’elle n’est pas comblée.

Quand vous pensez avoir tout donné, sa détermination insatiable redouble d’acuité vous poussant bien au delà de vos limites, dans des contrées que vous n’imaginiez pas…

Là elle peut donner libre court à son talent, son génie prend alors toute sa démesure.

Le fil du temps se diffuse dans l’air.

Finalement rassasiée, elle libère son étreinte.

[La chienne]

La chienne qu’ils l’appellent.

Le fait est que c’en est une.

Ce qu’elle laisse de vous… Une âme exsangue dans un corps essoré… Moins qu’un os à ronger.

Autant que les gens pensent à elle comme à une bête d’un autre genre que celui qu’elle est.
Qu’ils confondent les feux de la passion avec ceux d’un bucher, qu’ils pensent délices quand il n’y a que souffrance.

Vos ébats n’ont pas pour écrin une literie soyeuse et une couette légère mais un lit nu au sommier à lames de métal où affluent des câbles de batteries.

Enlevée à sa famille dans son plus jeune âge, maintes fois brisée, dressée puis forgée aux techniques d’interrogatoire, elle a dépassé les espérances de ses maitres en élevant la coercition au rang d’un art, un art subtil et abjecte.

Depuis longtemps déjà, elle est le fer de lance de leur lutte et le garant de leur autorité.

Son nom seul suffit à rétablir l’ordre.

La chienne qu’ils l’appellent…

La chienne de guerre.

[La chienne]

 

Commentaire

Bravo, tout simplement !

Marie • 27 novembre, 08:53

 

Merci :)

Nounouss • 27 novembre, 10:49

 

Commentaires fermés pour cet article

 

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